« Les femmes consultent parce qu’elles n’ont plus envie, mais que ça leur va très bien »

Entretien avec le Dr Myriam Donat, sexologue, algologue, médecin généraliste. Elle reçoit des patients qui souffrent de troubles sexuels et les accompagne avec différents outils, dont l’hypnose médicale.

Qu’est-ce qu’un trouble sexuel?

Beaucoup de troubles sexuels pour lesquels les gens consultent sont en fait des troubles psychologiques (anxiété, phobies, etc.). Je l’explique aux patients: «votre difficulté pourrait se manifester par des céphalées, mais c’est par un problème sexuel qu’elle s’exprime». Je recadre. Et c’est déjà utiliser l’hypnose.

Recevez-vous plus d’hommes ou de femmes?

Je reçois plus de 80% d’hommes. Depuis vingt ans, la proportion de femmes diminue. Avant, elles venaient plus nombreuses, avec la conscience qu’elles passaient peut-être à côté de quelque chose, du plaisir, de l’orgasme. Elles étaient centrées sur elles.

Mais, aujourd’hui, elles sont obligées de tout gérer parfaitement, d’avoir une activité professionnelle et d’y développer des valeurs masculines, perdant contact avec elles- mêmes. Elles se mettent en état de surmenage, ce qui est incompatible avec la possibilité d’éprouver du désir, et du plaisir. Pour cela, il faut Pour cela, il faut se laisser le droit de «respirer», de «souffler». Aujourd’hui, les femmes viennent surtout me voir en disant qu’elles n’ont jamais envie, que ça leur va très bien, mais que monsieur n’est pas content. Elles craignent de le perdre. Certaines reconnaissent qu’il ne mérite pas ce régime restrictif, mais elles constatent qu’elles n’ont pas d’envie de faire l’amour.

Comment se déroulent les séances avec ces patientes?

Je pratique d’abord le recadrage. Je les fais revenir sur leur rencontre avec leur partenaire. A ce moment-là, elles avaient du désir. On fait dérouler le l des années, et je leur fais toucher du doigt que le fait de courir tout le temps ne leur permet plus de se rendre compte qu’elles éprouvent du désir. Je les aide à se recentrer sur elles.

J’utilise d’autres méthodes qui relèvent aussi de l’hypnose. Par exemple, une femme mariée est venue me voir parce qu’elle n’avait pas envie de faire l’amour. C’était une scientifique, et elle avait mis en équation son trouble. J’ai donc utilisé la confusion. Elle avait convenu qu’elle avait peur de la pénétration, et nous avons joué au portrait chinois. «Si votre peur était une plante?». Un cactus, a-t-elle répondu. Ma prescription a été d’acheter un cactus, de l’installer à l’endroit qui lui convenait et de se positionner devant son cactus chaque fois qu’elle pensait à sa peur. À la séance suivante, elle m’a con é qu’elle n’y croyait pas, que ce n’était pas son truc. Alors que ça avait bougé, j’avais pu le constater. D’ailleurs, sans faire le lien, elle m’a expliqué que son mari lui en avait acheté un deuxième, de cactus. Je l’ai revue une fois ensuite et elle n’a plus consulté. C’est une manière d’utiliser l’hypnose: en parlant de manière métaphorique.

Et les hommes, pourquoi consultent-ils?

Les hommes viennent surtout pour des problèmes de rapidité. Si celle-ci a toujours existé, l’hypnose s’impose pour «étirer» le temps, décentrer le patient de la préoccupation de satisfaire la partenaire pour le centrer sur lui. Si cette rapidité est secondaire, consécutive à des évènements stressants (perte d’emploi, divorce…), l’hypnose s’appli- que alors à réduire ce niveau de stress et je propose l’apprentissage de l’autohypnose. Certains patient ont peur de l’impuissance. Ils évoquent l’âge (même à 40 ans !) sans oser prononcer ce mot. Ils disent qu’ils ont un blocage. Or, l’impuissance, c’est organique, elle survient généralement après une opération. Sinon elle est psychogène et je parle donc de «dysérection» en précisant que c’est passager, au besoin en faisant faire un bilan biologique, le plus souvent rassurant.

Je n’utilise pas le terme «impuissance», et c’est déjà de l’hypnose. On reformule, on modifie le rapport que le patient entretient à lui-même, le regard qu’il porte sur lui. Je lui fais faire un exercice de détente. Cette première séance consiste en une hypnose légère, proche de la sophrologie, pour mettre le patient en confiance. Il doit refaire ensuite cet exercice chez lui tous les jours, même trois minutes.

Il revient alors avec un autre regard sur ses symptômes, et l’idée qu’il y a des solutions. Durant la deuxième séance, je l’accompagne dans un souvenir agréable, dans la reviviscence d’un apprentissage réussi. S’il aime le ski, je le fais évoluer sur la piste en utilisant des variations de rythme, des petits obstacles qu’il surmonte. Il tombe, il se relève, il apprend à être indulgent avec lui-même. Sans aller directement sur la piste noire. Il se recentre sur ses propres sensations. Alors qu’il était centré sur ce qu’il fantasmait des attentes de l’autre.

Vous recevez les patients en couple?

Que ce soit l’homme qui consulte ou la femme, il est préférable d’entendre les deux points de vue et ainsi qu’ils perçoivent que le traitement est plus celui de la relation que celui de l’individu. C’est un recadrage, car le symptôme est parfois entretenu in- volontairement par la partenaire. On retrace le parcours des expériences de chacun, la rencontre, les facettes de leur personnalité sur lesquelles leur accroche s’est faite. Ca leur permet de revivre des émotions positives.

Puis, je leur donne un programme de travail. Ils doivent revenir à la situation des dé- buts, c’est-à-dire faire beaucoup l’amour, mais avec des règles draconiennes: éviction de la pénétration et des zones sensibles, et l’instauration de deux mi-temps, chacun se retenant de rendre les gestes pendant une mi-temps. Cela permet de redistribuer les cartes, et de se concentrer sur le plaisir à se faire du bien plutôt que sur l’échec ou le manque d’envie. Un mois après, je les revois. Parfois, cela suffit. Sinon, cela me permet de recueillir d’autres informations intéressantes pour continuer avec le patient seul.

Quelles évolutions constatez-vous dans les rapports de couple?

Des jeunes qui disent qu’ils n’ont pas de mal à faire des rencontres d’un soir, je n’en vois plus. Je le vois en revanche chez les hommes de 60 ans divorcés. Ils ont plus de facilités avec la sexualité, c’est une activité qu’ils ne veulent pas perdre.

Pour les couples de vingtenaires et de trentenaires, en revanche, ce n’est pas la priorité. S’ils se sont rencontrés très jeunes, qu’ils s’entendent bien, c’est rassurant pour eux de rester ensemble, pour diviser les factures, passer de bons moments avec les amis. Cette génération est beaucoup plus inquiète, elle a du mal à trouver ou à garder un emploi, et elle compense par le plaisir d’être ensemble, l’amitié, la solidarité, mais pas la sexualité. En réalité, l’épanouissement sexuel, c’est des sornettes des années 80.

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