Ce qu’Internet change à notre cerveau

Nous recevons aujourd’hui cinq fois plus d’information qu’en 1986, ont calculé des chercheurs américains. En 1986, nous envoyions – par courrier, téléphone, fax – l’équivalent de deux pages et demie d’un journal d’information chaque jour. Aujourd’hui, c’est six journaux que nous produisons chacun quotidiennement, avec la multiplication des écrans.
Mais il n’est pas sûr que nous fassions un meilleur usage de cette débauche de nouvelles. Tout d’abord, nous savons de moins en moins les mettre en contexte, explique Boris Cyrulnik, lors d’un entretien sur France Info :

« Véronique Drai Zerbib [docteur en psychologie cognitive, ndlr] a montré que l’apprentissage dans les livres n’est pas du tout le même que l’apprentissage sur les écrans. Dans les livres, on garde notre orientation dans le temps et dans l’espace. Alors qu’avec les écrans, on ne voit que l’écran. Ce qui fait que les enfants vont devenir confus dans le traitement de ces informations, parce qu’ils n’auront plus ni l’espace ni le temps. »

Le psychanalyste estime cependant que ces mêmes enfants « vont améliorer considérablement l’apprentissage des informations », avec Internet. Les avis sont pourtant partagés sur la question.

La chercheuse américaine Besty Sparrow et ses collègues se sont demandés comment le moteur de recherche Google, qui donne accès à ces tonnes d’informations, pouvait transformer notre mémoire. Le magazine Science a publié leurs conclusions : lorsque les gens pensent qu’ils pourront retrouver l’information facilement dans le futur, ils retiennent moins celle-ci et se souviennent plutôt de la manière d’y revenir.

Autrement dit, avec Internet, nous retenons moins les informations, et nous les comprenons moins bien.

Trop de mots tuent les mots

Or, cette information prend le plus souvent la forme de mots : nous consommons aujourd’hui 34 gigaoctets ou 100 500 mots en dehors de notre travail chaque jour, nous apprend… une infographie en ligne.

Or, tous ces mots finissent par se desservir les uns les autres. Nous n’en lisons que 28% sur une page Internet.

Bonne nouvelle : notre cerveau pense visuellement aussi. Voire mieux. Le cerveau n’a besoin que de 150 millisecondes pour assimiler un symbole et lui associer une signification.

Et les auteurs de l’information – qui prêchent certes pour leur paroisse, mais les études citées sont éloquentes – de donner quelques exemples :

  • les patients comprennent à 90% la notice d’un médicament si elle comprend texte et image, alors qu’ils n’en comprennent que 70% avec du texte seul ;
  • lors d’une conférence organisée pour une étude, seule la moitié de l’assemblée a été convaincue par les arguments développés durant la présentation exclusivement orale, quand 67% ont été conquis par la thèse développée lors de la présentation orale accompagnée de visuels (il n’est cependant pas précisé combien de visuels ont été utilisés…) ;

Bref, les images – qui accompagnent des textes – sont plus convaincantes et plus faciles à comprendre.

Notre cerveau est-il en train de s’adapter ?

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Dessin : Yohan Viglino / cesan.fr

Pourrait-on même se passer de texte, puisque notre cerveau comprend le sens d’une scène visuelle en moins d’un dixième de seconde ? Surtout, notre cerveau a-t-il toujours été aussi visuel ou s’est-il adapté, en réaction à la profusion de mots écrits ?

Boris Cyrulnik ne peut répondre, mais rappelle que notre cerveau s’est déjà bien adapté :

« Il y a deux millions et demi d’années, on vivait dans un monde sans écriture, dans un monde essentiellement sonore, traité par la zone temporale gauche. Quand les mots écrits sont apparus dans l’empire de Sumer, une autre aire cérébrale est apparue, un peu en arrière de la zone du langage. »

Le monde sensoriel qui nous entoure, l’espace culturel sculpte notre cerveau. « Ça peut être la parole, l’écrit, la musique », poursuit Cyrulnik. Ça peut être aussi l’image. Tout dépend de l’environnement dans lequel nous grandissons. »

Et le psychiatre de citer en exemple le cas des adolescents qui travaillent en écoutant de la musique :

« S’ils ont été sculptés par l’apprentissage précoce de la musique, ça augmente leur mémoire. En revanche, s’ils travaillent en écoutant de la musique, alors qu’ils n’ont pas été sculptés par l’apprentissage précoce de la musique, ça diminue la mémoire. »

Elsa Fayner, article publié sur Rue89.

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