Stress, surpoids ou simplement envie de se purifier, chacun sa méthode pour se sentir mieux. Marie Vilpreux, 38 ans, travaille dans l’humanitaire. Elle a choisi de se couper du monde… dans l’Himalaya.
En arrivant au rendez-vous dans un café parisien ce dimanche matin, Marie exhibe son smartphone: “J’ai arrêté de travailler vendredi soir et j’ai déjà soixante mails de boulot”. La Namibie a écrit à 7h30, la Suisse à 8h50. “Aucun spam, mais aucune vraie urgence non plus”, constate la trentenaire qui occupe un poste de direction dans une ONG à Lausanne. Elle est venue pour un “meeting”, après deux jours à Tokyo, qui suivaient eux-mêmes trois jours à Khartoum. Marie a beau exercer “un métier qui a du sens”, elle se sent épuisée après quinze ans d’hôtels en aéroports, de réveils à 5h en urgences à 22h. “J’ai eu envie qu’on me foute la paix”, assène la jeune femme en remuant son jus d’orange. “Et de vivre mon expérience, quelque chose pour moi.” Elle est partie un mois marcher dans l’Himalaya.
Ne pas être joignable faisait partie des prérequis et pourtant, jusqu’à 3500 m d’altitude, les appels l’ont poursuivie. Jusqu’à ce que les cinq randonneurs et leur guide atteignent les confins du réseau wi-fi. La difficulté n’est pas venue là où Marie l’attendait : aucune tentation, aucun effort à ne pas regarder le smartphone dans le cas où il capterait mais la découverte de “rester très connectée au boulot, aux mecs, aux questions existentielles” dans ses rêves et ses pensées. Une semaine a été nécessaire pour laisser les “rochers de toutes les couleurs”, le guide indien “fort sympathique”, “l’ici et maintenant” s’inviter dans la “bulle” ainsi créée. Marie a éprouvé “une connexion à [elle]-même” qu’elle n’avait jamais ressentie : “J’étais totalement disponible à ce qui se passait, à mes relations avec les autres, sans réfléchir à la suite”. Tellement disponible qu’elle est tombée amoureuse du guide pour se retrouver, ironie du sort, à son retour à Lausanne rivée à WhatsApp et à Skype, son smartphone en permanence allumé.
Par Elsa Fayner
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