Médecine intégrative : « Les Anglo-Saxons intègrent depuis longtemps le lien entre le corps et l’esprit »

« Aux Etats-Unis, les services dédiés aux soins, à la recherche, et à l’enseignement en médecines complémentaires sont intégrés dans ses institutions de renommée internationale et rattachés à des universités de médecine », Cloé Brami, oncologue (Dessin Carole Maurel carolemaurel.blogspot.fr).

Quelle place dans le débat pour la présidentielle pour la santé ? Quel candidat aborde la question du choix fait dans notre société de notre manière de soigner ? Benoît Hamon rappelle l’intérêt de l’activité physique. Emmanuel Macron parle de prévention. Mais la médecine intégrative et les pratiques complémentaires, bref l’idée de soigner autrement, ne sont guère évoquées. Les hôpitaux se mettent pourtant à ces pratiques, par service, portées par un médecin ou deux. Les progrès sont lents, et les menaces de retrait des financements fréquentes. A votre santé ! relaie les expériences. Elles peuvent donner des idées, comme celle portée par Cloé Brami et des confrères de créer un centre de médecine intégrative pour la prévention et la prise en charge des maladies chroniques. Cloé Brami est oncologue à l’Hôpital Européen Georges Pompidou. 

A votre santé ! – Comment définiriez-vous la médecine intégrative ?

Cloé Brami – En oncologie, et plus généralement en médecine, il s’agit d’utiliser des médecines complémentaires en association aux traitements médicaux de références afin de permettre une prise en charge globale du corps et de l’esprit. Les médecines complémentaires regroupent les traitements psycho-corporels comme l’hypnose, ou le yoga, les traitements physiques manuels comme l’ostéopathie, ou le massage, les traitements biologiques naturels (plantes, compléments alimentaires, etc.) et les autres approches, notamment la médecine traditionnelle.

Pourquoi vous y être intéressée ?

J’ai toujours voulu soigner autrement. Mon père est chirurgien et ma mère dirige la Ferme de Divali en Bourgogne, un centre de médecine ayurvédique. A 10 ans je voulais déjà être médecin, mon chemin de vie m’a amené à considérer comme des alliés indissociables notre médecine moderne et les thérapies ancestrales. J’ai suivi des études classiques en France de médecine, pour me spécialiser en oncologie. Comme il n’existait pas de formation concrète en cancérologie intégrative en France, je me suis formée a dans le département de médecine intégrative du Memorial Sloan Kettering Cancer Center (MSKCC) de New-York. Il est dédié depuis quinze ans aux médecines intégratives en oncologie.

Comment fonctionne-t-il ?

Il faut y aller pour comprendre son intérêt… La force de ce département, comme celui qui existe sur la côte ouest des Etats-Unis au MD Anderson Cancer Center, c’est sa localisation. Ces services dédiés aux soins, à la recherche, et à l’enseignement en médecines complémentaires sont intégrés dans ses institutions de renommée internationale et rattachés à des universités de médecine. Les oncologues travaillent main dans la main avec les spécialistes de thérapies complémentaires. Et l’ensemble est coordonné. C’est très rare.

Aujourd’hui, quels sont les pays qui proposent cette vision intégrative de la médecine ?

Les structures de cette qualité se développent dans le monde, en Allemagne bien sûr, en Angleterre, en Israël, au Canada…

Et en France ?

C’est plus compliqué car les Anglo-Saxons intègrent depuis plus longtemps le lien entre le corps et l’esprit. Il existe une structure de soins en oncologie, le Programme Ressource à Aix-en-Provence, mais qui n’est pas coordonné aux structures de soins oncologiques. Ailleurs, de nombreux services d’oncologie proposent des outils des médecines complémentaires souvent en libre service pour le patient.

Nous avons écrit avec une équipe de cliniciens et de chercheurs un projet de centre de médecine intégrative pour la prévention et la prise en charge des maladies chroniques dont le cancer. Un centre de soins et de recherche qui serait en lien avec les médecins traitants et les spécialistes. J’ai un attrait particulier pour l’après cancer dans lequel la médecine intégrative a toute sa place.

Comment fonctionnerait ce lieu ?

Je ne peux pas en dire trop tant que le lieu n’existe pas physiquement. Mais il sera coordonné autour des trois piliers de la médecine intégrative : l’alimentation, les thérapies du corps et de l’esprit et l’activité physique. Nous cherchons toujours des financements…

Y a-t-il une volonté en Occident de garder le malade dans le champ d’une discipline bien ciblée ?

Non, la santé est définir par le bien être physique, psychique et social, comme le rappelle l’OMS. Combien d’entre nous peuvent se dire en bonne santé sans faire le lien entre tous ces aspects ? Par ailleurs, le patient – et on le voit en cancérologie – devient de plus en plus acteurs de sa santé et c’est ce que nous voulons développer.

Propos recueillis par Elsa Fayner

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